La sainteté comme réponse unique au désespoir du monde
Un spectacle affligeant ce qui se passe
dans le monde contemporain et parmi les chrétiens eux-mêmes est
quelquefois bien décourageant : 2000 ans de christianisme semblent
n’avoir servi à rien ! Nos communautés sont affaiblies, quelquefois
réduites voire minuscules; l’athéisme grandit dans le monde ; l’apostasie
gagne chez les chrétiens ; l’impiété et l’immoralité triomphent dans la société
civile... Le règne de la confusion s’étend dans l’opinion publique et jusque
dans nos écoles...
L’ombre de conflits planétaires obscurcit l’horizon... Nos propres péchés sont accablants. Mais, à ses disciples, le Christ dit : « Courage : J’ai vaincu le monde ! » (Jn16, 33). Le courage, pour les chrétiens, est essentiellement un commandement divin à accomplir. L’espérance constitue notre identité : sans elle, nous ne sommes même pas chrétiens.
Le charisme
L’espérance est fondée sur le fait de la Résurrection.
Tout est possible ; la mort est vaincue ; le pouvoir du Diable est anéanti ; la
vie éternelle est donnée à toute la création, particulièrement à ceux qui
croient. Elle est un don du saint Esprit, jailli du Père, à la Pentecôte, et
descendu sur tous ceux qui croyaient déjà dans le Christ – les apôtres et les disciples
– et, par eux, sur toutes les nations. La Mère de Dieu et tous les saints, invisiblement
et visiblement présents, procurent un immense encouragement à tous ceux qui
sont tentés de désespérer. La Vierge est la Protectrice du genre humain que le
Christ lui a confié du haut de la Croix. Et le chrétien, à l’exemple du
prophète Abraham, « espère contre toute espérance » (Ro.4, 18). « Tout est
possible pour celui qui croit !» (Mat.19, 26 ; Mc 9, 23, etc.)
Le péché de découragement
Le découragement est une tentation venue de Satan, peut-être
le « péché contre l’Esprit » : on oublie que Dieu existe, on ne croit plus à
son amour, on pense que Dieu n’a pas le pouvoir de résoudre des problèmes trop
importants... Le désespoir également peut être un péché, s’il consiste à
désespérer de Dieu et de ses saints.
L’enfer est peut-être par excellence le lieu
où triomphent le découragement et le désespoir, cette heure terrible où « on
n’arrive plus à y croire » - à croire qu’il y a un espoir de vie et de Salut.
Les démons sont désespérés et cherchent à entraîner les autres dans leur chute au
fond du désespoir et du néant : ils sont pessimistes et nihilistes !
Le courage
du désespoir, un autre désespoir, consiste à désespérer de soi - extrême humilité
: on ne compte plus du tout sur soi pour son Salut et pour celui des autres.
C’est le courage d’être nu et désarmé devant l’épreuve. Celui qui désespère
ainsi totalement de ses propres forces et de sa propre vertu est un homme libre
de tout orgueil. Par le désespoir spirituel et par l’humilité, il a vaincu
Satan. Cette forme charismatique du désespoir est au cœur du repentir véritable
: rien, en nous-mêmes, ne peut nous mériter le Salut. Mais,
dans l’enfer du désespoir du désespoir, nous rencontrerons le Christ vainqueur,
car Il est descendu en enfer par son âme, Il a habité l’enfer sur la voie de sa
propre résurrection.
L’enfer du désespoir
Les chrétiens, renonçant à tout pouvoir, à toute prérogative
et à toute prétention, renonçant également à juger le monde, peuvent entrer
dans l’enfer du désespoir. Ils peuvent, comme l’a enseigné saint Silouane,
demeurer dans cet enfer et ce désert du désespoir de soi, et ne pas désespérer
de Dieu ! « Les rois de la terre se désespéreront de terreur », dit
l’Apocalypse (18, 9) ; mais les êtres apostoliques, « dénués de tout, ne
désespéreront pas », selon les paroles de l’Apôtre (2Co. 4, 8).
Le courage de l’action
La première
action est la prière. Le courage de prier par le saint Esprit comme des désespérés
! Le Christ est « l’espoir des sans-espoir ». Pensons à ces ascètes chrétiens
qui, à la tombée de la nuit, face à l’Orient, se tenaient debout les mains
levées jusqu’au lever du jour. Prions pour que Dieu comble notre impuissance par
sa puissance miséricordieuse, qu’Il agisse là où nous sommes dans
l’impuissance, car le saint Esprit est « Celui qui accomplit tout », ou « qui comble tout ».
Un spirituel contemporain
a dit que, lorsque le chemin est impossible, l’impossible peut devenir
chemin... Prions également en glorifiant Dieu, car notre foi sait qu’Il agit
sans cesse, là même où nous pensons à tort qu’Il a abandonné ceux qui croient
en lui. Et prions enfin pour que Dieu nous inspire quand nous n’avons plus
d’idée, quand l’esprit prophétique s’est retiré de nous. Cette dernière prière demande à
Dieu de nous donner la force d’accomplir ses commandements par amour pour lui
et pour le prochain et par espérance dans sa miséricorde.
La deuxième action est le jeûne.
Les chrétiens ne peuvent rien faire pour l’Église et
pour le monde sans renoncer à eux-mêmes, sans monter sur la Croix. Par le
jeûne, le chrétien affirme qu’il n’a pas peur – ni de la mort ni de rien. Le
charisme monastique à cet égard répond aux appels de notre temps. Le jeûne
porte un immense espoir dans la royauté du Christ, Seigneur de son monde. Tous les chrétiens du
monde peuvent jeûner, ensemble ou successivement, et signifier ainsi leur
courage spirituel devant le triomphe apparent du Malin. Puissance du jeûne, par
lequel le Dieu Homme vainquit Satan au désert...
La troisième action consiste à agir, de façon
missionnaire, en utilisant tous les moyens que Dieu met à notre disposition en
notre temps : Radio, Télévision, Internet...
Nous pouvons développer la catéchèse ; nous pouvons former
nos prêtres de façon spirituelle afin qu’ils soient des pasteurs charismatiques
; nous pouvons encourager les femmes chrétiennes, car, dans toutes les époques
critiques, quand les barbares avaient tout ravagé, elles ont relevé par leur
courage et leur ténacité, les églises de nos campagnes et de nos villes. Nous
pouvons susciter des vocations monastiques, car leur charisme vaincra le désespoir du monde.
Nous devons également trouver, malgré un manque
d’unanimité dans certains domaines, des plates-formes de solidarité inter
chrétiennes, des positions communes dans le domaine moral, bioéthique, écologique
et social. Notre crédibilité, et notre propre espérance chrétienne, tiennent à
la qualité évangélique de notre action commune.
La sainteté
L’Église est l’avenir du monde, quelles que soient les
apparences. « N’aie pas peur, petit troupeau ! », dit le Christ (Luc12, 32).
Les chrétiens, fussent-ils seulement dix pour cent des hommes de la planète, en
sont le sel et la lumière. L’appel du Christ est un appel à la sainteté. Le
courage d’espérer est enraciné dans le courage de devenir des saints.
Par nous, pécheurs en voie de sanctification, le Seigneur accomplira des miracles, comme Il l’a toujours fait pour son peuple et pour le Salut de son monde. Comme les premiers chrétiens, nous qui nous croyons quelquefois les derniers, soyons courageux, non seulement en raison des épreuves qui ne cesseront de survenir, mais en raison de notre foi en Jésus Christ. Dans son humanité divinisée, Il a montré un courage tel que, par la Croix, Il a traversé la souffrance et la mort.
Source de l'article :http://www.sagesse-orthodoxe.fr/jaimerais-savoir/foi-et-tradition-orthodoxe/foi-de-leglise/oser-esperer.