Comment faire découvrir le Christ (par Métropolite Antoine de Souroge)
Comment faire découvrir le Christ
par Métropolite
Antoine de
Souroge :
Question: Comment expliquer le refus des jeunes devant Dieu
et devant le Christ ? Comment initier les jeunes à la foi ?
Métropolite Antoine : Je crois qu'il est injuste de toujours
parler "des jeunes". D'abord parce que tous les vieux ont été jeunes
et que tous les jeunes seront vieux, et aussi parce que ce n'est pas seulement
les jeunes qui ont les problèmes que nous leur attribuons. Je crois que, si
leurs parents avaient résolu ces problèmes, les jeunes ne les auraient
peut-être pas et qu'ils n'auraient pas à se rabattre sur leurs professeurs de
religion pour avoir des réponses qui devraient être inhérentes à la vie de
toute la communauté.
Je pense que la différence qu'il y a entre les
jeunes et les moins jeunes réside peut-être moins dans le fait qu'ils sont les
seuls à avoir des problèmes que dans le fait qu'ils continuent à poser des
questions tandis que les moins jeunes sont fatigués de les poser et ne les
posent plus du tout. Ce n'est pas parce qu'ils ont des réponses ; c'est parce
qu'ils sont fatigués, blasés, et je ne crois pas que ce soit particulièrement à
notre honneur.
Je crois que l'on peut découvrir la divinité du
Christ de deux façons différentes, et parmi les hommes et les femmes de tous
âges que je rencontre, il me semble que l'on trouve les deux. Certains, au
cours d'une expérience de conversion intérieure, découvrent le Christ comme leur
Dieu, comme leur Sauveur ; d'autres au cours de leurs lectures d'Evangile
découvrent le Christ dans son humanité. Et s'ils se posent des questions, non
pas seulement sur l'enseignement, mais aussi sur la personne du Christ, ils
doivent en arriver à un moment où un problème émerge avec beaucoup de dureté,
d'âpreté.
Le Christ s'est affirmé le Fils de Dieu ; Il a affirmé sa divinité ;
je ne peux pas accepter son enseignement en toutes choses si je rejette ce
qu'il dit de Lui-même ; parce que si je le rejette, je nie qu'il savait ce
qu'il était ; comment puis-je accepter qu'il savait ce que je suis et qu'il a
des réponses pour l'ensemble de la vie ?
S'il s'est trompé sur l'essentiel, pourquoi et
comment pouvons-nous Le suivre dans l'accessoire ?
Je ne pense pas que l'on puisse simplement
prouver la Divinité du Christ, je crois que l'on peut mettre une personne en
face du Christ, des Evangiles, et lui demander de saisir tout ce qu'il y a dans
ce récit évangélique sur le Christ. Mais en fin de compte, ce n'est pas la
logique du texte, c'est une rencontre quelque part, au for intérieur, qui
permettra de dire : "Oui, ce qu'il a dit est Vérité." Non pas seulement ce qu'il a dit du péché, du
salut, mais ce qu'il a dit de moi et ce qu'il a dit de Lui-même. Je crois que
l'une des démarches essentielles, si nous voulons donner Dieu à d'autres, si
nous voulons partager notre expérience de Dieu avec les autres, c'est d'avoir
le courage de faire profession de Foi, et non pas simplement de parler de la
Foi, comme si elle était un objet qui nous est extérieur ou une discipline
scolaire comme toutes les autres.
Deux exemples m'ont frappé au cours des dernières
années : Un prêtre et un diacre orthodoxes ont été chargés
en Angleterre de l'enseignement de la religion dans deux écoles différentes ;
dans les deux cas, le directeur de l'école leur a dit : "les jeunes à
notre époque n'admettront pas que vous leur parliez de Dieu ; parlez-leur de
morale, parlez-leur des problèmes du temps, mais ne leur parlez pas de Dieu
parce qu'ils vous rejetteront exactement de la façon dont les Athéniens se sont
détournés de Paul, dès qu'il a prononcé le mot de résurrection." Les deux
sont venus me voir et m'ont demandé ce que j'en pensais et je leur ai répondu
qu'ils n'avaient pas à tenir compte des suggestions du directeur, qu'ils
étaient là pour apporter un témoignage, et que, si ceux qui les entendraient
les rejetaient ensemble avec le Christ, eh bien, ils seraient tout de même du
bon côté de la barrière.
Et l'un d'entre eux m'a rapporté la première rencontre
avec ses élèves — il enseigne dans une école religieuse — : il est entré dans
une classe d'élèves de 16, 17, 18 ans et il leur a dit : «Voilà, je dois vous
enseigner la religion, de quoi voulez-vous m'entendre parler ?" et voici
la réponse qu'il a reçue : "Oh ! Monsieur, parlez-nous de Dieu, parce que
les Pères qui dirigent l'école ne nous parlent plus que de questions
sexuelles." Voilà une situation, qui n'est pas tellement rare, où on
arrive à cette absurdité, que ce sont ceux qui sont censés enseigner qui, par
timidité, ou parce qu'ils s'imaginent que le temps est passé des affirmations
claires, font tellement des détours qu'en fin de compte, la vie entière ne
suffit pas pour arriver au but.
Dans le second cas, celui de mon diacre, il enseigne
dans une école assez rude, brutale ; il s'est planté dans sa classe et leur a
dit : "ce que vous pensez de Dieu, je ne le sais pas, mais moi, je crois à
Dieu, je crois au Dieu vivant, je crois au Christ." Et, une fois qu'il a
eu dit ces quelques mots, un dialogue s'est engagé, qui non seulement s'est poursuivi dans la classe, mais
qui s'est étendu à l'école entière, si bien qu'il ne pouvait pas apparaître
dans la cour sans être entouré de garçons de toutes sortes, de tous âges, qui
n'avaient rien à faire avec sa classe et qui lui disaient : "II paraît que
vous parlez de Dieu, et personne ne nous en parle." Et, en fin de compte,
les membres d'un gang de la région l'ont invité à venir les voir, il leur a
parlé de Dieu également, et il est sorti de cette réunion avec le titre de
membre honoraire du Gang !
Je crois qu'il y a là quelque chose d'absolument
essentiel : si tout ce que nous avons à dire de l'Evangile est quelque chose de
descriptif, d'intellectuel, dans la mode de la culture, évidemment personne ne
nous écoutera, parce que cela n'intéresse personne. Vous ne trouverez jamais
quelqu'un qui est incroyant et pour qui le fait que Marc a écrit ou n'a pas
écrit la fin du 16e chapitre présente un intérêt. Avant d'en arriver à Marc, il
faudrait qu'il passe par Jésus. Mais vous rencontrerez toujours des gens qui se
trouveront mis en question par quelqu'un qui, avec la plus grande netteté, la
simplicité la plus entière, leur présente sa Foi, — à prendre ou à laisser —
qui leur présente une Foi intelligente dans la mesure du possible, cohérente, vivante,
à partir de laquelle cette personne jeune ou âgée, peut commencer à réfléchir.
Ce point de repère peut être le début d'une confrontation avec soi-même et
d'une confrontation avec Dieu.
Je crois qu'il n'y a pas de moyen d'enseigner la
religion ; on peut témoigner d'une conviction qui, si elle est suffisamment
entière et puissante, est une mise en question de l'autre ; et la première
démarche, c'est vraiment cette mise en question. J'ai l'impression que c'est
quelque chose qui se vérifie, en tout cas, dans mon expérience, en Angleterre,
ici, en Allemagne, et, j'ai l'impression que la Foi se transmet comme une
maladie contagieuse, mais que ce n'est pas quelque chose que l'on peut d'abord
présenter comme une vérité universitaire, et puis transformer ce discours
universitaire en une mise en question de toute la vie de celui qui l'a entendu.
Je ne sais pas du tout les conditions dans
lesquelles les professeurs de religion ont à travailler ici, mais, je suis
profondément certain, que, quel que soit le sujet que nous enseignons, nous
pouvons trouver un moyen de témoigner de l'entièreté de notre Foi et de mettre
ceux qui nous entendent face à face avec ce fait ; voilà quelqu'un qui a la
Foi, qui prétend connaître Dieu, qui est prêt à en parler de l'intérieur d'une
expérience personnelle.
Il ne s'agit pas du tout de partager l'expérience
en tant qu'expérience, parce qu'on ne peut pas partager une expérience ; au
mieux, on peut la raconter, et ceux qui ont une expérience analogue
reconnaîtront ce dont il s'agit ; les autres hausseront les épaules. Mais on
peut mettre en face du fait ceux qui doivent être mis en face de ce fait. Je ne vois pas d'autre moyen de présenter le
Christ homme et le Christ Dieu.